Pour introduire une conférence sur le 5ème risque, le journal Les Echos expliquait le 10 mars 2010 : « En 2015, plus de 2 millions de personnes auront dépassé le seuil des 85 ans. Face à l’augmentation du nombre de personnes dépendantes liée au vieillissement de la population, la prise en charge de la perte d’autonomie est plus que jamais considérée comme un véritable défi et un réel enjeu de société ».

Oui la population vieillit. Comme toutes les études démographiques l’ont montré, la part de la population âgée de plus de 60 ans s’accroît au rythme de l’allongement de l’espérance de vie, un trimestre de plus chaque année en France. Et c’est tant mieux !

Mais la population des personnes dépendantes augmente-t-elle aussi ? Est-il fondé d’affirmer sans y réfléchir que l’augmentation du nombre de personnes dépendantes est liée au vieillissement ?

La réponse est non. L’augmentation du nombre de personnes dépendantes est fonction de l’espérance de vie en bonne santé, et pas de l’espérance de vie tout court : l’espérance de vie en bonne santé augmente, même plus vite que l’espérance de vie tout court, de 1,5 (hommes) et 1,6 ans (femmes) de 2005 à 2011 selon l’INSERM[1], alors que l’espérance de vie « tout court » a moins augmenté, respectivement de 1,3 et 1,2 ans sur la même période.

« Le pourcentage de la population de plus de 65 ans ayant des difficultés motrices est passé de 1985 à 2000 de 8 % à 6,5 %, ceci malgré le fort vieillissement de cette tranche de population », relève Robert Moulias[2]. Les causes premières de la dépendance ne sont pas liées à l’âge, mais à l’irruption de maladies qui réduisent, parfois fortement, l’autonomie des personnes. Les progrès de la santé y sont pour beaucoup. Le Haut Conseil de l’Assurance Maladie[3] relève « un changement de paradigme du grand âge autour d’environ 75 ans (mais qui se repousse progressivement dans le temps) » : c’est seulement vers cet âge  qu’augmente la fréquence et le nombre des pathologies. Les personnes âgées autonomes sont fort heureusement très nombreuses. C’est vers les personnes dépendantes ou handicapées que les services d’aide à domicile doivent s’orienter en priorité.

Il faut rejeter l’idée que vieillissement = dépendance.

Les personnes de plus de 60 ans veulent que soient considérées leurs capacités physiques, intellectuelles et sociales. Beaucoup travaillent, bénévolement ou moyennant rémunération.  « On vit plus longtemps parce qu’on « vieillit » plus tard, parce qu’on se porte mieux, qu’on est moins malade, qu’on est malade plus tard, moins handicapé parce que mieux portant », dit encore Robert Moulias. Les personnes de plus de 60 ans jouent un rôle décisif pour favoriser le bien-être de leur entourage. Dans les entreprises, elles apportent une expérience et des compétences qui, loin de prendre des postes aux jeunes, peuvent permettre le maintien et le développement d’activités favorables à l’emploi.


[1] INSERM, 16 avril 2013, http://www.inserm.fr/espace-journalistes/esperance-de-vie-en-bonne-sante-dernieres-tendances.

[2] Moulias Robert, 2009, « Il faut détruire le concept de « Dépendance liée à l’âge », Revue Gérontologie n° 148, janvier 2009.

[3] Haut Conseil de l’Assurance Maladie. « Vieillissement, longévité et assurance maladie ». 22 avril 2010, p. 49.